Mare du confinement

par | Mai 24, 2021 | Jardin-forêt | 0 commentaires

Mars 2020 : que pourrait-on faire pendant ce confinement ? Marre du confinement … creuser une mare, évidemment !

Les enfants sont enthousiastes … bof. Aurélie, qui a eu l’idée, s’en voudra très souvent.

Mais … on y est arrivés : 100 m² au sol, 1,50 m au plus profond. De quoi accueillir de très nombreux pensionnaires, animaux comme végétaux, comestibles ou non.

Il faut dire que cette mare était dans les cartons depuis longtemps. Récit autour de la mare du confinement. Une mare : pourquoi, comment ?

On peut trouver de nombreux articles sur l’intérêt des mares. Je vais plutôt essayer d’expliquer l’intérêt que nous y avons vu dans notre contexte.

Une mare pour créer un microclimat

La réflexion initiale : nous sommes dans un couloir de vents froids en fond de vallée. Les hivers sont donc assez froids ; il peut geler très tard dans la saison ; les étés sont caniculaires et de plus en plus secs. Comment faire en sorte de tempérer notre climat ?

1ère solution : planter des arbres …

2ème solution : créer une mare, la plus grande possible pour bénéficier de la capacité de l’eau à créer un microclimat tempéré.

L’eau est l’un des éléments qui a la plus forte inertie thermique. En hiver, lorsqu’il gèle, l’eau est toujours beaucoup plus chaude que l’air. C’est l’inverse en été.

D’autre part, la mare créer permet d’augmenter le taux d’humidité grâce à l’évaporation.

En utilisant cette technique, Sepp Holzer peut cultiver des cerisiers à 1500 m d’altitude dans les Alpes autrichiennes. On retrouve le même principe dans les oasis en milieux désertiques.

Jardin-forêt nordOn dit qu’il est possible de gagner une zone climatiques USDA (voire plus) soit autour de 6°C. Nous sommes en zone 8a : les températures minimales tournent autour de -10°C en hiver. Elles pourraient ne pas descendre en dessous de -4°C autour de la mare. Et mieux encore, il n’y aurait pas de gel aux moments importants : entre la floraison et la formation des fruits. C’est pour cela que Sepp Holzer a des cerises en pleine montagne !

Pour renforcer cette inertie naturelle, nous avons positionné notre mare dans un fer à cheval formé par les arbres du jardin-forêt. Cette forme permet de capter le maximum de rayons du soleil et de conserver la chaleur : les rayons sont réfléchis par la mare et bloqués par les arbres au nord.

La position des arbres permet aussi de protéger la mare et ses alentours des vents dominants. Tout est fait pour que le cœur du jardin-forêt soit un cocon pour les végétaux les plus fragiles.

Seul bémol : il faut un certain temps pour en ressentir les effets.

Une mare pour la biodiversité

Une mare est un nouveau milieu dans ce jardin. Cette zone humide accueille des nouveaux habitants et permet à ceux qui y étaient déjà de s’épanouir, trouvant dans la mare parfois le gîte et très souvent le couvert.

Les interactions créées sont très nombreuses et ont été souvent décrites : par exemple, la mare attire des grenouilles qui mangent les limaces qui se cachent dans le jardin ou dans la serre.

Ce nouveau milieu permet aussi de multiplier les effets de lisière : la vie est beaucoup plus foisonnante dans les zones de contact entre milieux différents.

Il n’y a qu’à remarquer la pousse de l’herbe proche du goudron des routes ou à côté d’un pot en terre. On a l’impression que la vie se donne rendez-vous dans les carrefours ! Cet effet de lisière est très recherché en permaculture.

Plus il y a de méandres, plus il y a de zones de contacts entre milieux différents. C’est ce qui nous a inspiré pour donner une forme à notre mare. Nous aurions aimé être encore plus “tordus” mais nous nous sommes déjà bien assez compliqué la vie.

Pour accueillir le plus de monde possible, nous avons aussi créé des paliers correspondant à des hauteurs d’eau différentes. Certaines plantes aiment en effet pousser proche de la surface alors que d’autres aiment les profondeurs. Il en va de même des larves et des animaux en tous genres qui ont des besoins différents selon la période de l’année et la température par exemple.

Chaque marche peut être considérée comme un milieu à part entière. Encore un effet de lisière, vertical cette fois.

Une mare pour diversifier les sources de nourriture

Que ce soit en tempérant le climat ou en offrant de nouveaux milieux, il nous est vite apparu que l’on pourrait aussi planter autour de cette mare de nouveaux végétaux ou en faire profiter ceux que nous cultivons actuellement.

J’avoue avoir tout de suite pensé aux tomates, piments et autres aubergines qui peinent à démarrer en mai chez nous. Je pense qu’il est possible d’utiliser cette structure de jardin-forêt pour cultiver aussi les légumes annuels. On pourra peut-être arriver à redonner à certains leur caractère perpétuel.

Nous avons aussi découvert le monde des plantes aquatiques ou de zones humides.

Une mare, source de bien être

Il ne se passe pas un jour sans que l’on se retrouve à flâner autour de la mare … même moi qui n’ai pas trop une âme contemplative 🙂

Observer le mouvement, observer la vie qui émerge est un spectacle dont nous ne nous lassons pas : quelle émotion de découvrir les premiers alevins grâce au regard avisé de Jean-Michel ! Par quelle magie sont-ils arrivés jusque-là ? Quelle joie de jouer à cache-cache avec la première rainette !

Voici donc ce qui nous a motivé, ce qui explique les formes tortueuses de notre mare.

Pour ceux que cela intéresse, entrons maintenant dans les détails de sa réalisation.

Construction de la mare

Phase 1 : creuse petit !

Après avoir dégagé la surface enherbée à la pelle droite, nous avons mis à niveau le premier étage : 40 cm de différence d’un côté à l’autre de la mare. Nous avons nivelé ce qui sera le niveau final maximum de l’eau : un tour de mare de 50 cm qui comprendra : le bord de la mare à proprement parler (20-30 cm) puis une cuvette de 20 cm en tous sens qui recevra la bâche recouverte de terre. Cela permettra de bloquer et de cacher la bâche puis de créer une zone qui retiendra l’eau. C’est dans cette cuvette que nous planterons les végétaux de zones humides non immergés.

Le niveau final a été calculé pour que l’eau en surplus déborde dans la partie basse du terrain et aille rejoindre la zone la plus basse du jardin. Nous n’avons pas prévu d’autre système de trop plein.

Nous avons ensuite creusé étage après étage : les marches au sud font 40cm de haut, 40 cm de large alors que celles du nord sont moins profondes (30 cm) et plus larges (80 cm). Nous privilégions ainsi les plantes sur le côté exposé au soleil.

Phase 2 : étanchéifier tu devras !

Le fond de notre mare correspond à l’ancien lit de la rivière : mélange de galets arrondis et de sable. Nous avons enlevé le maximum de cailloux et fait attention à ceux qui étaient dans les parties verticales pour qu’ils ne trouent pas la bâche.

Nous avons étalés un géotextile épais (305 g/m²) sur toute la surface de la mare que nous avons doublé dans les parties avec le plus de cailloux : en fait sur toute la mare sauf les deux premières marches.

Le choix de la bâche fut compliqué : c’est un problème de budget en fait. L’idéal est l’EPDM : c’est un caoutchouc très extensible, avec une espérance de vie de 25 ans qui favorise le développement de la vie. Plus il est épais, plus il est solide mais plus il sera difficile à manier.

L’autre choix était le PVC : deux fois moins cher, plus léger mais aussi beaucoup moins durable et moins accueillant pour la vie.

Nous avons choisi un EPDM de 1mm en misant sur la durabilité et l’intégration à l’écosystème.

Prochaine étape : bien calculer les dimensions en tenant compte des marches, de la descente et de la remontée, de la bordure enterrée, des formes irrationnelles de notre mare (c’est là que nous avons le plus regretté ce choix 😉 Au total, nous avons acheté une bâche de 23 m sur 13 m alors que la mare est contenue dans un rectangle de 13 m sur 8m. Nous aurions sans doute gagné quelques m² en tenant compte de l’élasticité de la bâche, mais j’ai préféré être prudent.

Plus de 300 kg à déplacer ! Technique : faire rouler et appeler les copains. Merci Franck !

En fait, le plus compliqué est de disposer cette masse imposante sans faire trop bouger le géotextile.

Nous avons commencé par dérouler la bâche entièrement le long de la mare, sur l’herbe. Cette bâche est pliée de telle sorte qu’il ne reste qu’à tirer vers l’autre côté. Pour éviter de bouger le géotextile, nous sommes passés sous la bâche : ce fut un moment difficile, déconseillé aux claustrophobes.

En fait, l’idéal aurait été d’être plus nombreux : 7 ou 8 personnes par exemple, disposées sur la longueur de la bâche auraient pu la porter sans la faire glisser. A retenir pour la prochaine fois !

Je suis évidemment preneur de toute technique plus efficace 🙂

Il ne restait qu’à essayer de réduire les plis au maximum, ce qui est très difficile avec cette forme de mare, et à anticiper les déformations de la bâche au niveau des marches pour éviter qu’elle soit trop tendue.

Phase 3 : et l’eau engendrera …

C’est l’eau qui va terminer le travail et finir de disposer la bâche. C’est pour cela qu’il est important de commencer par remplir la mare.

Une fois que cela est fait, au trois quart par exemple, on peut disposer la bâche dans la tranchée périphérique et la bloquer avec de la terre.

Il ne reste plus qu’à découper le surplus de bâche et de géotextile.

 

Phase 4 : … la vie !

Il ne reste qu’à se faire plaisir.

Nous ne voulons pas mettre volontairement des poissons ou d’autres formes de vie animale. Nous souhaitons laisser le temps à l’écosystème de se mettre en place et nous observons que la vie animale émerge très bien toute seule. Je ne perds pas espoir de voir mes canards profiter de l’endroit mais ce sera pour plus tard.

Sauf que la nature a toujours un coup d’avance. Des poissons sont apparus en mai, sans doute amenés par la crue de la fin d’hiver qui a recouvert la mare.

Nous n’avons pas assez de temps pour observer la vie animale sous toutes ses formes.

Pour les formes végétales nous avons été plus interventionnistes. Deux axes principaux : faire en sorte que le milieu soit équilibré naturellement et faire une place aux plantes comestibles, utiles pour d’autres usages ou attirantes pour leur odeur ou leur aspect.

Voici quelques unes de ces plantes, classées par position dans et autour de la mare :

  • sur les berges : bugle rampant, lierre terrestre, ail des ours, espèces comestibles présentes dans notre environnement. Mais aussi des variétés de “coriandre vivace” très bonnes aromatiques. Pour couvrir le sol ou cacher la bâche lorsque l’eau baisse : iris des marais, herbe aux écus d’or, salicaire, mimule jaune, renouée bistorte …
  • sur la première marche : menthe aquatique, écuelle d’eau ou trèfle d’eau, pontédérie …
  • dans les zones plus profondes : vanille d’eau, nymphéas et lotus nous gratifieront de leurs beautés et ombrageront la mare en été.

Nous nous sommes interrogés sur l’opportunité d’introduire certaines variétés oxygénantes qui ont des tendances envahissantes. C’est le cas par exemple des variétés suivantes : cornifle immergé, faux nénuphar, crassule de Helms et mousse des fées.

Les deux premières sont présentes naturellement dans notre écosystème et ne semblent pas poser de problème.

Les deux autres par contre sont plus problématiques : la crassule de Helms (crassula helmsii) est vivace chez nous et assez expansionniste ; la mousse des fées (azolla caroliniana) craint le gel mais ses spores peuvent survivre en attendant le réchauffement et elle est très expansionniste. Ces deux variétés font partie des espèces exotiques décrites comme envahissantes (https://obv-na.fr/ressources#exotiques). Nous ne sommes pas sûr que cela signifie nécessairement qu’il ne faille pas les introduire mais nous préférons ne pas le faire, par prudence, surtout dans une mare qui peut inonder.

Voilà pour le moment. Nous mettrons à jour cet article au fur et à mesure de l’évolution de nos connaissances et nous en ferons d’autres pour témoigner de l’évolution de cet écosystème.

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N’hésitez pas à réagir pour apporter vos idées, commentaires …

Plus de photos dans l’album dédié sur notre page Facebook.

Merci aux amis qui nous ont aidé : Franck, Kevin, Jeremy …
Et merci à nos enfants, maltraités pendant de longues heures 🙂

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